Natacha PIROTTE | 27 Février 2018.
L’art-thérapie peut-elle aider à aller mieux ? Comment agit-elle ? Comment se déroule une séance ?
L’art-thérapie permet de revenir à l’intérieur de soi, d’être à l’écoute de son ressenti corporel et émotionnel, et de lui donner une forme visible. De manière métaphorique, elle invite à explorer les différentes parts de soi, à les laisser s’exprimer et à en prendre soin. L’exemple ci-dessous décrit le voyage d’une personne au travers de l’art-thérapie, un voyage en art-thérapistan.
Les quelques séances décrites ci-dessous sont tirées du trajet d’une femme que nous appellerons Maria. Dans la cinquantaine, elle est suivie pour dépression depuis plusieurs années et prend des anti-dépresseurs. Elle est très émotive et dira qu’elle souhaite améliorer sa capacité à gérer et exprimer ses émotions. Elle viendra en séance individuelle et sera très engagée tout au long du processus. En parallèle, elle lira plusieurs livres dans le domaine de la connaissance de soi, de la sagesse et de la spiritualité.
Marquée par la vie
Lors de la première séance Maria choisit la terre. Je suggère de commencer les yeux fermés, ce qu’elle fait. Elle trouve une forme assez vite et la façonne, ajoute des détails.
Elle fera les commentaires suivants :
« C’est la tête d’un poteau comme en voit en mer du Nord : il brise les lames, les vagues. Il doit faire face à la tempête, aux vagues, et celles-ci laissent des traces. Il y en a eu beaucoup depuis qu’il est là.
Ces traces, cela veut aussi dire qu’il est vivant. Il est robuste mais à des cicatrices, une grande fêlure au milieu qui le coupe presqu’en deux et aussi un trou où l’eau reste et parfois se vide. La fêlure est grande et elle pourrait faire craquer le poteau. »
En parlant, elle pleure plusieurs fois. Je lui propose de faire quelque chose et avec un bout de fil de fer elle renforce le tout en reliant les 2 morceaux ensemble autour de la fêlure.
A la fin de la séance, je la sens plus énergique, elle exprime qu’elle a déposé quelque chose.
Marquée par la vie
Maria choisit de travailler le masque. Elle commence par créer une ligne noire sur le bord qui délimite ce qu’elle appelle un bouclier. Ensuite elle dit qu’elle voit le masque séparé en deux. Elle dit que la partie de droite est dans le brouillard, confuse, l’autre moins. Elle attribue cela aux médicaments qui font que parfois elle ne sait plus réfléchir. Elle rajoute les points au-dessus des lèvres : ils représentent les battements de cœur qu’elle perçoit dans ses gencives et dans tout son squelette quand l’émotion monte. Elle termine par un nœud à la gorge : elle dira qu’elle suffoque dans la tristesse.
On prend le temps d’accueillir la tristesse, de laisser couler les larmes. Ensuite viendront les mots et un début d’histoire |
Le calme sous la tempête
Lors de la séance suivante, quand je lui demande quel média elle veut utiliser cette fois-ci : elle dira la peinture. Elle commence par mettre les couleurs de base dans une assiette en carton et à l’aide d’une carte étale de la couleur noire. Elle est attentive, complètement engagée dans ce qu’elle fait et à la fin j’observe qu’elle sourit.
Elle dira que « c’est comme si en dessous de la mer agitée, houleuse il y avait un point tranquille, qui pouvait rayonner vers l’extérieur à travers la houle. » Elle le nomme l’enfant intérieur.
Elle fait le lien avec un passage particulièrement difficile de sa vie. On accueille ensemble ce moment d’émotions. |
La transmission
Maria ne sait pas trop quel média choisir : je lui propose alors un petit jeu. A ma demande, elle marque 6 pages, les développe en dessin, les ordonne, leur donne un titre et raconte l’histoire suivante.
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Maria va beaucoup mieux ; elle a arrêté de prendre les antidépresseurs et rêve de projets futurs. Elle cherche à s’engager dans des activités qui lui font du bien et qui ont du sens. On entreprend durant plusieurs séances un travail sur ses valeurs et ses projets. Plusieurs pistes se profilent. Ce n’est pas facile : Maria est partagée entre son désir d’aller de l’avant et une série de freins qui la font douter.
Tension intérieure et libération
Maria se met au chevalet et crée ceci. Elle dira que c’est la lutte entre deux tensions intérieures : une qui pousse vers l’extérieur pour sortir, et une qui pousse pour que cela reste à l’intérieur et que l’ouverture est sous tension. Elle parlera aussi de l’enfant intérieur qui se trouve en dessous. C’est le chaos, la tension. Je lui suggère de prendre une empreinte et de créer un deuxième dessin en se posant la question de ce que le premier dessin a besoin. |
Elle est très émue par ce deuxième dessin : elle l’appellera « libération ».
En comparant les deux, elle le trouve plus symbolique, plus affirmé de manière directionnelle (l’énergie va du bas vers le haut), plus clair et moins chaotique. L’enfant intérieur est relié par un lien vers le haut. Elle y voit une métaphore pour la libération, le cordon ombilical, l’accouchement. Elle y voit aussi une personne avec un visage qui se cache derrière ses mains. Cela la touche beaucoup …c’est comme un miroir dira-t-elle. |
Lâcher prise
A cette séance Maria choisit l’argile : petit à petit elle se met de l’argile sur la main, les doigts…elle la couvre et crée ainsi une empreinte. Elle fait de même avec la deuxième main.
Elle y voit ses lignes de vie, ses cicatrices, toute sa vie. Elle aime beaucoup ses mains qui ont tant réalisé : prendre soin, donner, travailler. Elles sont synonymes d’ouverture à l’autre, de contact, de force. Elle éprouve un sentiment de fierté et d’acceptation (ce n’est pas grave si elles ne sont plus si belles, si elles sont petites…comme celles de son père). |
Elle y voit comme messages :
- Acceptation de la vie, de ce que ses mains ont vu
- Lâcher prise : faire le choix de ne plus résister
- Liberté : liberté donnée à l’autre, faire le choix de ne pas le retenir. Elle se souvient de l’histoire inscrite sur son carnet de mariage "quand vous laissez les mains ouvertes, vous gardez plus de sable que quand vous fermez le poing."
Conclusion
Lors de la séance de clôture, Maria dira que l’art-thérapie l’a aidé à exprimer ce qui était là, à mettre à distance et à observer. Cela a mené à plus d’acceptation et au pardon. Elle a aussi pu transformer certaines situations et ouvrir son regard.
Natacha PIROTTE, art thérapeute certifiée, www.artnme.be art ‘n’ ME propose différentes formules d’ateliers ainsi que des séances individuelles. |
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